David Gensler, USA, directeur de création et stratège de marque

30 March 2009
Partfaliaz interview David Gensler
thekdu
David Gensler, tu es un créatif hyperactif et aussi un fin statège de marques avec ce qu’il faut de charisme pour rassembler les meilleurs talents autour de la mode, l’art, le design ou le marketing… comment te présenterais-tu et dans quoi es-tu impliqué actuellement ?
Merci pour les compliments. Je passe la moitié de mon temps dans le graphisme et l’autre moitié a développer des stratégies. Après plusieurs années concentrées sur l’évolution de ma carrière, j’ai pensé qu’il fallait que ces deux activités cohabitent sereinement. J’ai passé plusieurs années en dehors du design – juste pour manager le business son organisation – et cela m’a rendu insatisfait, donc maintenant je m’attache plus à équilibrer les choses.

Je pense aussi, actuellement plus que jamais, qu’il est très difficile de concentrer son attention sur une seule chose en matière de design et ne pas envisager des solutions plus globales – c’est-à-dire que le design n’est finallement qu’une part de la réponse – tout est lié depuis l’intention la plus en amont – particulièrement dans l’économie actuelle.

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Et à propos de The Keystone Design Union ? En revenant sur ton parcours, comment est venue l’idée d’un collectif d’artistes international et quels sont tes projets pour The KDU ? Comment « compose »-tu ce collectif qui rassemble autant de talents?
J’ai quitté un job en entreprise et je voulais voler de mes propres ailes – mais avec tous les avantages qu’une structure globale peut offrir. Donc je me suis intéressé à une forme d’organisation qui serait globale, mais aussi économique et efficace.

En plus je ne voulais pas remplir des bureaux avec des dizaines (voire des centaines) de personnes. J’ai donc commencé par connecter des gens ayant le même état d’esprit – de grands talents qui désiraient avoir une plus grande visibilité et une meilleure accessibilité mais aussi voulaient partager notre souhait de rester en dehors de l’univers des bureaux et des horaires de travail. Honnêtement toute la question était de connecter les talents les plus ambitieux avec un seul objectif. Notre intention (en ce qui concerne le réseau) était et restera d’aider les meilleurs à progresser dans leur carrière.

Pour notre groupe de conseil il s’agit d’offrir les meilleures solutions à nos clients, rapidement et plus souvent à un meilleur prix que ce qu’ils trouvent habituellement dans le système des agences. Je pense que notre succès est principalement dû à l’effondrement de « l’ancien système » et à son incapacité à évoluer. Les grosses agences ont passé des années a essayer de devenir des producteurs de contenu et à vouloir changer de « catégorie »… la plupart oubliant que leur cœur d’activité était simplement de servir leurs clients d’une façon efficace et profitable pour les deux parties.

Notre dernière mission est de développer nos propres marques. Nous nous sommes toujours intéressé à la mode et aux médias. Récemment les médias ont beaucoup souffert de la conjoncture, alors désormais nous sommes à 100% concentrés sur SVSV, notre label de design mode.

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Tu es aussi co-directeur de création de The Solstice, ce livre qui réuni le travail de dizaines des fines gachettes de The KDU à travers le monde. De mon point de vue il s’agit d’un superbe livre de tendances qui allie illustration, conception et design mis cela pourrait aussi être perçu comme un terrain de jeu imprimé pour designers ou même un livre d’auto-promotion pour The KDU. Quel est ton point de vue ?
Nous adorons les magazines. Nous avons travaillé l’an passé au design de URB magazine – mais c’était un travail de commande et nous avons regretté de ne pas avoir un contrôle total du projet. The Solstice c’est ça : une façon pour nous d’exposer de nouvelles idées, de nouveaux talents, des collaborations récentes… quelque soit notre préoccupation dans la période de parution (The Solstice est bi-annuel).

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S’agit-il d’une diffusion limitée ? Si oui, alors… à qui s’adresse t’il ?
Il est destiné aux gens qui souhaitent l’avoir… (Bon… la réponse est un peu courte…)
Nous essayons de limiter la diffusion dans les milieux de la mode, des loisirs et des autres magazines. Il s’agit d’une distribution façon « peer to peer » – il n’a jamais été question de toucher le grand public.

J’aimerais beaucoup faire à nouveau un magazine, mais actuellement nous sommes très satisfait avec cette idée de diffusion restreinte. Il est difficile d’être attaché à un calendrier de parution alors qu’une grande partie des revenus publicitaires se sont asséchés. Pour The Solstice nous essayons de paraître juste avant les salons de mode « magic » et « bread and butter ». C’est toujours un super moment d’arriver là-bas avec une centaine de bouquins à offrir aux collègues et amis.

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Il est évident que tu es concerné par les questions politiques et philosophiques… Peux-tu nous en dire plus sur ce que tu appelles « the rise of Futurecraft » ?
J’ai eu le privilège de l’éducation, l’occasion de voyager et j’ai la chance d’avoir une belle carrière. C’est vraiment une grande chance et je suis très reconnaissant pour tout ce que j’ai pu expérimenter dans ma vie et ma carrière – ceci étant dit, lorsque tu arrives enfin à réaliser tes rêves tu commences aussi à te poser de plus grandes questions. Est-ce que je consacrerai ma vie entière au design en cherchant toujours une nouvelle façon de les vendre…

Ne vous méprenez pas, j’aime ce que je fait, c’est juste que je réalise que la vie c’est beaucoup plus que ça. Je pense que nous, êtres humains, avons besoin de nous intéresser aussi à des choses qui n’ont pas de code-barres (et qui peuvent s’obtenir sans crédit, sans dette). Les idées sont gratuites et c’est ce qui les rend dangereuses essentiellement dans un système capitaliste. Je pense que j’essaie de fuir une catégorie de « design » qui pourrait assécher mon envie personnelle de création… comme la réaction qu’aurait un consommateur si un produit ou une expérience ne satisfaisait pas son plaisir autant que lorsqu’il le désirait… Je dois aussi affronter ce genre d’impression.

D’abord je voudrais me servir de stratégie, de marketing et de design pour aider les gens dans le besoin. Cela me parait très évident dans des endroits comme en Afrique. J’ai visité le Malawi l’an passé et j’ai été bouleversé par cette expérience. Je crois que le pays gagnerais beaucoup à réinventer son identité de marque. Voilà un type de travail qui me procurerait beaucoup de satisfaction personnelle. C’est ce qui nous conduit au Futurecraft. J’ai toujours été intéressé à ce pourquoi nous humains, société ou culture, nous donnons de la valeur à une chose plutôt qu’à une autre. Récemment, au cours des 5 dernières années, j’ai vu la durée de vie des tendances se raccourcir… des superbes produits se faire écraser par de moins bons produits qui n’avaient pour unique qualité que d’être plus « récents »…

J’ai observé de très près l’explosion d’intérêt que pouvaient avoir des produits couverts par de grands médias. Cette réalité du « tout, plus vite, maintenant » est une réalité digitale. Le taux d’anxiété provoqué par le « nouveau » est tellement écrasant que nous en avons oublié les vraies valeurs. Des générations de croyance traditionnelle, « plus, valeurs, talents, fabrication » ont été anéanti par le rush du digital. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, je ne suis pas en position de juger. Je dois reconnaître cependant qu’il s’agit d’une réalité dans laquelle notre société évolue. Puisque mon métier consiste à développer des stratégies compétitives pour des marques – j’en viens naturellement à examiner le potentiel d’une contre-réalité – qui serait « déconnectée » et plus attentive aux valeurs qui ont permis à notre espèce d’évoluer.

Il me semble que pour chaque téléphone hyper-sexy ou appli iphone qui sortiront la semaine prochaine, il y a une plus grande quantité de livres et de savoir-faire qui seront perdus à jamais. Nos traditions sont remplacées par du contenu de distraction pour la TV, le cinéma ou l’internet. Futurecraft est une théorie critique de notre époque. En pratique cela se traduit dans des décisions personnelles – consistant à déplacer cet intérêt personnel pour la consommation en un intérêt pour ce qui est unique, ce dont on se souvient et ce que l’on partage.

Il ne s’agit pas d’anti-consommation – il s’agit de comprendre que tant que nous ne nous écarterons pas du consumérisme, nous devrons trouver des solutions agressives pour préserver notre équilibre et celui de nos sociétés. Pour moi Future Craft signifie que je ne vais pas accélérer le développement de notre ligne SVSV pour la simple raison du profit. Je dois me sentir complètement à l’aise avec notre façon de grandir, comment, où et quand. Je tiens aussi à utiliser des ressources locales. Nos vêtements sont fabriqués à New-York et c’est important pour moi… J’ai besoin de connaître le type qui fait les coutures. C’est contre-prodcutif en terme de coût par vêtement et même en vitesse de production – il est évident que pour un client je ne pourrais pas prendre les mêmes décisions, mais c’est une question d’engagement et de fierté personnelle. A l’heure où tout devient aussi rapide et fabriqué en si grandes séries, il existe une vraie valeur dans ce qui est fait avec entêtement, en prenant son temps et en faisant les chose correctement.

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Proof7 est contributeur et producteur de The Solstice, que diriez-vous de votre collaboration?
Proof7 est un partenaire depuis des années et nous avons toujours géré nos affaires côte à côte.
C’est devenu une tradition du KDU de leur proposer des collaborations – c’est-à-dire que sans eux le travail ne serait pas aussi intéressant !
Lisez l’interview de Laurence Chandler co-directrice de Proof7.

Les sites de David Gensler :
svsv, le site des collections de vêtements de David Gensler
The Keystone Design Union, le collectif dirigé par David Gensler et Aerosyn-Lex
The KDU’s blog
Une interview vidéo de David Gensler sur URB magazine
Une vidéo de Aerosyn-Lex, associé de david Gensler sur Complex magazine

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